• Prologue

       Nous avons tous un jour qui a changé notre vie.

      Certains de ces bouleversements peuvent être, ma foi, assez impressionnants. Par exemple, le jour où un fonctionnaire ordinaire, à un moment de sa grise et banale petite vie de métro-boulot-dodo, décide que c’en est assez du gris et de la banalité, et plaque tout pour commencer l’aventure à Rio de Janeiro. Ou la fois où un ex-parrain de la mafia, subitement dégoûté de la violence et du sang, part s’installer au fin fond du Guatemala. Toujours  pour se battre, mais cette fois non-pas pour de l’argent ou du pouvoir, mais pour sauver une poignée d’enfants défavorisés.

      Et puis il y en a d’autres, tellement plus subtils et moins spectaculaires, mais si magnifiques et stupéfiants qu’on les croirait orchestrés par les anges.…

      Ou, au contraire, si effroyables et condamnables qu’on jurerait y voir la patte d’un démon…

      Le jour où untel, blessé dans sa confiance en soi, si terriblement craintif de ce fameux regard des autres qui peut être aussi dévastateur qu’un coup de couteau en plein cœur, redresse enfin les épaules et parle haut et clair, quitte à devoir affronter la désapprobation de ceux à qui cela ne plairait pas ; le jour où cette femme a décidé de ne plus courber l’échine sous les coups de son mari ; le jour où cette homme rentre plus tôt que prévu du travail  et découvre que l’élue de son cœur n’est, eh bien…pas que l’élue d’un seul cœur ; le jour où cette future championne de taekwondo est montée pour la première fois sur un tatami ; le jour où ce garçon a dû intégrer un gang pour garder sa famille en sécurité ; le jour où cette jeune femme a dû vendre son innocence contre de quoi nourrir ses enfants ; le jour où ce jeune surdoué, né dans une famille pauvre, a envoyé sans trop y croire sa candidature pour l’Université d’Oxford ; le jour où…. Enfin, je pourrais continuer longtemps comme ça.

      Pour moi, ç’a plutôt été du genre spectaculaire. En effet, le jour ou vous devenez une meurtrière mondialement recherché est souvent à marquer d’une pierre blanche. 

      Mais je m’égare. Ce que je voulais dire, c’est qu’il y a toujours un moment ou le chemin tortueux qu’est notre vie a pris un tournant décisif, que nous le voulions ou pas. Un changement qui nous mènera, au bout dudit chemin, soit vers le Paradis –ou n’importe quelle utopie qui récompense les bons selon les religions –  soit vers l’endroit en général pas très joyeux qui attend les méchants. Moi, j’aurais normalement dû finir dans l’endroit plein de flammes et de douleurs, vu l’horrible acte que j’avais commis.

      Mais ce qui est bien, avec les chemins, c’est qu’on peut toujours les rebrousser…

       


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